samedi 11 avril 2015

La toilette, naissance de l'intime.

Gros coup de coeur pour l'exposition, la toilette, naissance de l'intime, présentée au Musée Marmottan-Monet jusqu'au 5 juillet!
L’exposition présente des œuvres d’artistes majeurs du XVe siècle jusqu'à nos jours sur le thème de la propreté, ses rites et leur espace et gestuelles.

Le parcours chronologique pourrait sembler convenu et un peu pépère, mais au contraire chaque époque est bien abordée, documentée et décrite pour nous faire saisir en quelques mots à chaque fois le changement majeur de conception de la toilette. 


Pays-Bas du Sud,Le Bain,
tenture de la vie seigneuriale,
vers 1500, Paris, musée
de Cluny - Musée national
du Moyen Age


L'exposition s'ouvre avec une vision fantasmée du bain, grâce à cette tapisserie qui est juste prétexte à montrer un nu idéal.
Le jeune fille, sûrement noble ne s'abaisse pas à effectuer un geste en lien avec la toilette, trop connoté prosaïque. Elle reste immobile, immergée à mi-corps et entourée de ses servantes. L'espace semble merveilleux et irréel.
Des hommes, musiciens assistent à la scène.
Dans cette section on retrouve des gravures de Dürer, de Primatice et des peintures de l'Ecole de Fontainebleau ou de Clouet. Mais souvent le bain est prétexte à représenter un nu féminin (comme pour Suzanne épiée par les vieillards), plutôt que fidèle à une réalité historique. Si les nobles se baignaient sûrement dans les grands châteaux, pour la plupart des gens l'eau est rare surtout dans les villes et on s'en méfie. Si quelques traités évoquent les effets hygiéniques des bains, on  redoute le prolifération des maladies et notamment de la peste. C'est pour cela qu'une toilette dite sèche est surtout pratiquée et aura cours jusqu'à l'installation de l'eau courante au XIX ème siècle.
Elle consiste à quelques ablutions sur des zones limitées, comme les mains, l'intimité et les pieds et à se farder.
La Femme à la puce– 1638 – 
Huile sur toile 121x8 cm – Nancy, Musée Lorrain
 ©RMN-Grand Palais / Philippe Bernard
L'usage voulait également qu'on change régulièrement de toilette pour éviter les puces et les poux. Certaines ne le pouvaient pas et attrapaient alors les nuisibles sur leurs vêtements comme dans cette magnifique oeuvre de Georges de La Tour (qui est malheureusement présentée dans un cadre qui ne lui rend pas justice).  Cette section met l'accent sur des portraits de femmes seules, dans un cadrage serré, l'eau n'est pas représenté

Au XVIIIème la toilette se fait plus intime, souvent seule la servante est admise à y assister. Pourtant aucun espace n'y est encore consacré dans la maison et cela donne naissance à des peintures au sujet pittoresque de femmes surprises, épiées,... sujet particulièrement apprécié par Boucher.
Le début du XIXème siècle voit la naissance d'espaces clos dédiés à la toilette de la femme, comme notamment le cabinet de toilette de l'impératrice Eugénie à Saint Cloud.
Au trois quart du XIXème, les grandes villes installent l'eau courante. Chaque immeuble doit être pourvu d'un accès à l'eau, c'est une exigence hygiénique. La femme à la toilette redevient un thème pictural. Mais ce n'est plus de jeunes femmes idéalisées que le peintre surprend. Les gestes ne sont pas pensés, ils sont parfois peu harmonieux, rompant l'élégance du corps. La toilette devient un sujet trivial.

Mon gros coup de coeur de cette exposition, qui évidemment n'est pas disponible en carte postale:
Wladyslaw Slewinski Étude 1897
Huile sur toile – 64x91cm – 
Cracovie, musée national – 
©Photographic Studio of theNational Museum in Krakow / 
Jacek widerski

Fin XIXème, Degas puis Bonnard font de la salle de bain le refuge de la femme. Un lieu de détente, où elle s'échappe.
Puis les avants-gardes (Picasso, Léger, Lam, Kupka,..) se saisissent de ce thème cher à leur aîné mais ils en font un exercice de style et travaille sur la forme et la couleur avant de s'intéresser réellement au sujet.
Au lendemain de la première guerre mondiale, avec la montée des marques de cosmétiques c'est surtout le maquillage qui est montré pour illustrer une idée de la femme bourgeoise,vaine et soumise à son mari.

L'exposition se termine par une interrogation sur le bien fondé du thème de nos jours, puisque dans nos sociétés modernes la lutte pour les installations d'hygiènes sont moins d'actualité. Le nu féminin reste cependant toujours un motif recherché par les artistes, si ce n'est que en pastiche de leurs aînés comme cette réinterprétation du tableau de l'Ecole de fontainebleau de Gabrielle d'Estrées.
Alain Jacquet
Gaby d’Estrées
1965 – Sérigraphie quatre couleurs sur toile
119x172cm – Courtesy Comité Alain Jacquet
et Galerie GP & N Vallois, Paris – 
©ComitéAlain Jacquet – ADAGP, Paris 2015

 On sort de cette exposition en ayant la sensation d'avoir appris des choses ou tout au moins d'en avoir redécouvert. Elle est bien documentée, structurée de manière claire et surtout les oeuvres prennent place dans un parcours fluide et accompagné de nombreuses explications.
 Je ne peux que vous conseiller cette exposition, et pourquoi pas de la compléter par une découverte des collections de ce très joli musée.







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